Co-résistance et pratiques de soins

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Activations de la solidarité : Co-résistance et pratiques de soin est une publication en ligne qui met l’accent sur les connaissances et les expériences incarnées des artistes Noir.e.s, Afro-Autochtones, Autochtones et Indigiqueers, et sur la manière dont iels mettent en œuvre la solidarité et la responsabilité au sein de leurs communautés. Le titre de cette collection d’œuvres d’art est inspiré d’une conversation entre Robyn Maynard et Leanne Betasamosake Simpson publiée dans le livre Until We Are Free: Reflections on Black Lives Matter in Canada. Dans cette conversation modérée par Jas M. Morgan, Maynard et Simpson réfléchissent à l’avenir des souverainetés et de l’autodétermination des personnes Noir.e.s et des Autochtones et à la façon dont cela est fondé sur la co-résistance et la solidarité les un.e.s avec les autres. Chacun.e des artistes de cette publication nous offre la manière dont iels génèrent des actions de solidarité au sein de leurs communautés et rejettent les valeurs ancrées dans le système de la suprématie blanche — colonialisme, hétéropatriarcat et capitalisme.

L’œuvre de Taryn Walker, A Lesson in Listening (Une leçon dans l’action d’écouter), est composée de cinq dessins à l’encre et d’un paysage sonore. De forme organique, chacun de ces dessins est inspiré d’heures passées dans sa région natale où Walker a enregistré les sons de la terre et des eaux. Nous pouvons entendre la douce accalmie des eaux jusqu’aux rivières tumultueuses, le bourdonnement des insectes, le bruissement des feuilles dans le vent. Nous pensons à la terre comme à nos enseignements, à l’écoute de la terre comme à l’écoute des besoins de nos communautés.

Les collaborateur.trice.s et meilleur.e.s ami.e.s Kiera Boult et Alex Jacobs-Blum examinent les impacts de la colonisation sur les corps Noir.e.s, Autochtones et racisé.e.s et la façon dont iels naviguent dans les espaces urbains, découlant de leur expérience commune d’avoir grandit dans la banlieue de Hamilton, en Ontario. Utilisant l’humour et parodiant des vidéos de développement urbain et économique, leur performance vidéo As Above, So Below (Comme ci-dessus, donc ci-dessous) examine comment la gentrification est utilisée comme un outil violent du colonialisme.

L’œuvre de paysage sonore et visuel Black Native de Karmella Bendito De Barros attire l’attention sur les intersections des expériences vécues par les Noir.e.s et les Autochtones. Oscillant entre des vidéos superposées de la terre, de l’eau et des entretiens avec les artistes et écrivain.e.s Noire.s et Afro-Autochtones Amber Starks et Cheyenne Wyzzard-Jones, Barros décrit ce travail dans sa démarche artistique comme une « expérience somatique d’une cérémonie collective » qui honore les Femmes Noir.e.s Autochtones.

La performance Enemy Moves de Fannie Sosa en collaboration avec l’artiste Navild Acosta examine comment les structures de pouvoir coloniales maintenues par la suprématie blanche nous mettent à dos contre les membres de nos propres communautés et comment nous ne pouvons pas parvenir à une véritable libération au sein de ces structures. En écoutant Sosa réciter son poème et faire référence à l’essai d’Audre Lorde The Master’s Tools Will Never Dismantle the Master’s House, Dacosta nous emporte dans des mouvements de danse répétitifs. Ces mouvements, comme le mentionne Sosa, démontrent que « On nous a tous appris à nous trahir devant le pouvoir ».

Revenant à cet essai, Lorde affirme que  « Without community, there is no liberation » (« Sans communauté, il n’y a pas de libération ») (p. 219 ebook Sister outsider). C’est par nos actions collectives de solidarité que nous sommes redevables envers nos proches et les communautés auxquelles nous appartenons. Chacune des œuvres de cette publication propose des actions de rejet de la suprématie blanche et de l’État colonial, ainsi qu’une constellation de possibilités et d’amour radical.


Black Native

Karmella Cen Benedito De Barros

vidéo, 9 min 13 sec
2021

Black Native est une œuvre audiovisuelle réalisée par Karmella Cen Benedito De Barros qui explore comment les expériences des Noir·e·s et des Autochtones se recoupent, en mettant l’accent sur la solidarité entre les communautés et les individus Noir.e.s et Autochtones, en particulier sur l’Île de la Tortue. Les personnes Métissées, Noir.e.s, Autochtones et Afro-Autochtones incarnent et façonnent cette solidarité, servant de guides et de leaders pour d’autres au sein de nos mouvements de libération et de souveraineté collective dépeintes dans cette œuvre.

S’appuyant sur des entrevues audio d’archives avec Amber Starks et Cheyenne Wyzzard-Jones, ce paysage audiovisuel sonore raconte l’histoire de fèms Noires autochtones sur l’Île de la Tortue qui franchissent des obstacles et tissent des liens pour apprendre, enseigner, lutter, se reposer et exister sans compromis en tant qu’êtres dynamiques et sacrés. Cette création s’ancre dans une expérience somatique de cérémonie collective, permettant au récit de devenir une cérémonie communale. Ce faisant, il nous offre un aperçu de l’expérience multidimensionnelle des fèms Noires Autochtones


As Above, So Below

Alex Jacobs-Blum
& Kiera Boult

vidéo, 4 min 41 sec
2021

Collaboratrices et meilleures amies de longue date, Kiera Boult et Alex Jacobs-Blum (Nation Lower Cayuga, Six Nations de Grand River/Allemande) étudient l’impact de la colonisation sur les corps noirs, autochtones et racialisés et la façon dont ceux-ci doivent naviguer les espaces urbains. Ayant toutes deux grandi dans la banlieue de Hamilton, en Ontario, Boult et Jacobs-Blum explorent l’intersection de leurs identités, ce qui a mené à des collaborations antérieures sur la solidarité noire et autochtone.

As Above, So Below jette un regard satirique sur la gentrification et l’étalement urbain de Hamilton à Caledonia (territoire limitrophe des Six Nations de Grand River). Elles utilisent des images d’archives pour parodier des vidéos de développement économique et urbain dont la tentative d’enquête du parc immobilier de Douglas Creek en 2006, la proposition de développement du Quai no 8 et le film promotionnel de la Chambre de commerce de Hamilton de 1946. Une bande audio donne à entendre Beverly Jacobs et Skyler Williams et fait le pont entre les images d’archives et le mouvement Land Back. Dans cette œuvre, la ville de Hamilton est transformée en un paysage post-apocalyptique proposant une vision dystopique de l’industrialisation. Boult et Jacobs-Blum participent à ces environnements par la performance pour commenter la mentalité coloniale de la propriété privée.


A Lesson In Listening

Taryn Walker

son et dessins conservés dans la cire
2021

A Lesson In Listening propose une réflexion sur les notions de solidarité et d’écoute à travers deux médiums : les dessins conservés dans la cire et le son.

Ce projet a exigé de nombreuses heures de travail de terrain et de temps consacré à la fois au territoire et à son écoute. Les dessins préservés par la cire qui accompagnent le paysage sonore proviennent de cette expérience. Ces dessins dépeignent des figures monumentales et iconographiques entourées d’une abondance de plantes et d’animaux. Les figures illustrent l’avenir : elles sont puissantes, belles, et souvent ambiguës dans leur genre. Je définis les personnages que j’ai créés comme des êtres optimistes et résilients : des êtres qui s’aiment profondément, qui aiment leur communauté — humaine et animale — et la Terre. Certaines images semblent pourrir, d’autres fleurir, les cycles de la vie et de la mort se confondant — la Terre inspire et expire. Une fois enduite de cire, une autre couche se crée sur les images; un mur transparent et solide conserve les récits de ces êtres, mais leurs gestes, leurs empreintes et leur essence ne cessent pas pour autant de respirer.

Dans un monde tellement axé sur le visuel en raison de plateformes comme Instagram, les paysages deviennent souvent la toile de fond de nos vies plutôt que leur source. Je m’intéresse à la façon dont un paysage sonore force le·la spectateur·rice à écouter activement le paysage au lieu de simplement le regarder. À mes yeux, l’écoute active de l’autre fait partie intégrante du processus de guérison et de solidarité. Je vois une relation directe entre l’écoute du territoire et sa guérison, ainsi que l’écoute mutuelle et la guérison de nous-mêmes. Puisque la principale méthode utilisée par mes ancêtres pour conserver les informations, les récits et les histoires était l’oralité, je considère l’écoute comme un acte de préservation — en écoutant le territoire, nous le préservons pour les générations à venir.

Pour moi, l’écoute constitue également l’acte ultime de solidarité — en écoutant, nous offrons un espace pour amplifier les voix et leur donner une tribune. Notre société, actuellement caractérisée par le capitalisme, nous encourage à privilégier des voix individuelles au détriment du collectif, ainsi qu’à parler et à répondre sans prendre le temps de réfléchir ou d’écouter. Même si l’écoute est un acte simple, je pense qu’il est intrinsèquement anticapitaliste et décolonial. En écoutant, nous donnons la priorité à nos communautés. En écoutant, nous sommes solidaires les un·e·s des autres et nous devenons plus fort·e·s ensemble.


Enemy Moves

Fannie Sosa

vidéo, 3 min 12 sec
2021

Enemy Moves est une collaboration vidéo avec l’artiste Navild Acosta portant sur le poème Enemy Moves de Fannie Sosa.


Artistes

Karmella Cen Benedito De Barros est indigiqueer urbain·e, d’ascendance Mistawasis Nêhiyaw (territoire du Traité 6) et afro-brésilienne. Iel est un·e artiste multidisciplinaire, écrivain·e et organisateur·rice communautaire qui est né·e et a grandi dans la diaspora en tant qu’invité·e sur les territoires non cédés des Squamish, Tsleil-Waututh et Musqueam. Karmella travaille actuellement dans le domaine de la sensibilisation auprès des jeunes et comme responsable à l’organisation communautaire d’Indigenous Brilliance. Iel appuie le cycle de lectures Indigenous Brilliance, un cycle en collaboration avec le magazine Room et Massy Books, qui met à l’honneur les conteur·euse·s autochtones femmes/2SQ

Kiera Boult est une artiste interdisciplinaire et une performeuse de Hamilton, en Ontario. Dans sa pratique, Boult utilise le camp et la comédie pour examiner avec scepticisme les questions entourant le rôle et l’identité à la fois de l’artiste et de l’institution. En 2019, Boult a été récipiendaire du prix Hamilton Emerging Visual Artist Award. Ses œuvres ont été exposées au Musée des beaux-arts de l’Ontario, au Musée des beaux-arts de Hamilton et à Trinity Square Video. Elle a participé à la plus récente Performance Bus de la Galerie d’art de l’Université York, à 7a*11D’s 7a*md8 —ONLINE et à Life of a Crap Head’s Doored. Boult figure dans Chroma, le tout dernier numéro de Canadian Art. Elle est titulaire d’un baccalauréat en beaux-arts en critique et pratique muséale de l’Université OCAD et travaille actuellement à Vtape comme coordinatrice des soumissions, des collections et de la diffusion.

 

L’identité dichotomique hodinöhsö:ni et allemande d’Alex Jacobs-Blum fait surgir des questions d’appartenance et de relation au territoire. Ses tentatives pour parvenir à une unicité identitaire alimentent ses réflexions sur les notions d’authenticité et de légitimité. Alex fait appel à ses expériences personnelles pour défier les structures coloniales, faisant ainsi acte d’autodétermination et de résistance. En se tournant vers les territoires qui ont assuré la subsistance de sa famille autochtone depuis des générations, la photographie constitue un moyen d’honorer les savoirs transmis par ses ancêtres.

À l’échelle nationale, les œuvres d’Alex ont été exposées depuis 2015 à l’Université d’Ottawa, au Woodland Cultural Centre, à Brantford, et au Critical Distance Centre for Curators, à Toronto. Elle a animé des ateliers de photographie et de justice sociale avec des jeunes autochtones à l’Université Western, à London, et au Hamilton Regional Indian Centre, à Hamilton. Alex est titulaire d’un baccalauréat en photographie de Sheridan College (2015).

Fannie Sosa est un·e activiste afro-sudaka, un·e artiste et spécialiste du plaisir qui prépare actuellement un doctorat entre la France et le Brésil intitulé Twerk/Torque : Anti Colonial Strategies for Thriving and Surviving in Web 2.0 Times. Iel crée des ensembles de connaissances multimédias qui vont de la performance aux installations vidéo, en passant par des discussions circulaires et des ateliers prolongés en utilisant le plaisir et sa transmission comme un acte radical de résistance en vue d’une praxis évolutive afrodiasporique incarnée.

 Son travail d’écriture remet en question les épistémicides de la binarité, le racisme scientifique et institutionnel, et les inégalités économiques liées au sexe. Iel a été exposé·e à la Tate Modern (R.-U.), au MOAD Miami (US), au Centre Pompidou (FR), au Broad Museum (US), aux Wiener Festwochen (AU), au MAC de Nitéroi (BR), à la galerie IMG (R.-U.) et au Museo Reina Sofía (ES), pour ne nommer que ceux-ci. Sosa a collaboré avec Tabita Rezaire, Navild Acosta, Bearcat, Miss Boogie, Ana Pi et Julien Creuzet.

Parmi les projets actuels de Sosa se trouvent Pleasure is Power, une conférence multimédia qui porte sur les basses et la guérison, l’autonomie sexuelle et l’oshunalité, ainsi que Black Power Naps, des espaces de repos non mixtes à travers le monde, en collaboration avec Navild Acosta. Iel utilise son diplôme d’études de genres pour faire ressortir son sexe encore plus fortement qu’avant. Fannie Sosa vit et travaille actuellement entre l’Europe et l’Amérique du Sud.

Taryn Walker est un·e artiste queer et autochtone d’origine salish (Nɬeʔképmx) dont le travail traite des concepts d’identité, de tendresse, de guérison, de cycles de vie et de mort, et de surnaturel à travers le dessin, la gravure, l’installation et la vidéo. En 2018, Walker a obtenu son diplôme de l’Université de Victoria avec une majeure en arts visuels et une mineure en histoire de l’art et en études visuelles. Plus récemment, Walker a présenté ses œuvres dans les expositions suivantes : The Works : Activated au Churchill Square à Edmonton, AB présenté par The Works International Visual Arts Society (2021) et The Breathing Wall à l’E&N Roundhouse historique à Victoria, BC en collaboration avec l’artiste Connie Morrey et l’Art Gallery of Greater Victoria (2020). Son travail a été exposé dans des espaces et des événements tels qu’Arc.Hive centre d’art autogéré (2019), Luna Arts Festival (2018), Integrate Arts Festival (2018) et à l’occasion du 10e anniversaire du Bass Coast Music & Arts Festival (2018). La recherche artistique de Walker a également bénéficié du soutien de l’Edmonton Arts Council, du Collectif des commissaires autochtones et du First Peoples Cultural Council.


Ce projet fait partie de la programmation 2021 du Collectif des commissaires autochtones autour de la thématique ”Solidarité” et est commissarié par Camille Larivée, Directrice de la programmation de l’ICCA et Emily Critch, Coordonnatrice de la programmation de l’ICCA. Pour plus d’informations à propos de l’ICCA visitez icca.art. Web design par LOKI.